Nouvelle inédite :
Violette
Il pensa qu'il fallait s'arrêter un moment, lorsqu'il la remarqua dans ce parc, au milieu des fleurs de toutes sortes, de toutes couleurs, adulant le regard curieux et inassouvi des promeneurs, venant de loin, pour un petit coin de verdure au milieu de nulle-part.
Il se posait beaucoup de questions, tentant d'en trouver des réponses aussi cartésiennes que possible. Tout en s'éloignant du parc, il résolut de marcher à pied jusqu'à chez lui.
Quelques mètres plus loin, il eut comme une brève sensation d'une envie lui traversant l'esprit et s'emparant de tout son corps, fort chétif, à cause de son âge : il pouvait sans aucun doute s'arrêter. Il en était tout près.
Elle le fascinait. Une lumière émanait d'elle. En un instant, des idées foisonnèrent en sa tête de vieux. Cependant, il ne se plia que devant une idée : lui, il n'est plus jeune. Il a fait l'âge. Il ne va pas s'amuser à revenir en arrière. Ses soixante dix bougies ne lui pardonneront jamAghzaf
geste de précipitation plutôt puéril !
Voilà pourquoi il se précipita de ses lourds pas nonchalants et hésitants, en cette après-midi de dimanche, vers la sortie du parc archi plein de visiteurs : des familles entières, des jeunes couples, des jeunes amoureux entamant leur rêve d'un avenir conjugal par des promesses, des rêves éveillés en roses, toujours des rêves,... Des enfants criards, espiègles, sautant de partout, riant de tout et de rien, dans une liberté quasi totale, mais qui leur est certainement légitime, à leur âge !
Quant à lui, il s'arrêta de marcher, s'assit lourdement sur un banc coloré, sur le bas côté d'une allée infinie. Il réfléchit et pensa qu'il devait revenir sur ses pas au parc.
" Mais pourquoi faire, vieux Schnock ? Non, ce n'est pas sérieux, à ton âge, tomber amoureux, maintenant ? Et que feras-tu avec elle ? Outre la différence de l'âge, il y a la société qui juge et ne pardonne pas. Elle peut excuser l'égarement d'un enfant, la désinvolture des jeunes et leur insouciance, mais jamais les envies sordides des vieux, comme lui, qui doivent être sages et le rester jusqu'à la fin de leurs jours !".
" Mais j'ai besoin d'elle, moi, ne serait-ce que pour un instant, volé au temps qui court. Je la sentirai mienne, rien que pour moi, toute sa beauté, toutes ses senteurs, rien que pour moi !"
Décidé et très convaincu, il revint au parc d'où les visiteurs commençaient à sortir lentement, comme si quelque chose les retenaient là, Ça devait être dix-neuf heures tapante.
" Ah, c'est bien le moment ou jamais ! "Se dit-il.
Il s'approcha d'un vieux marronnier et à ses pieds, la Violette était bien là, régnant sur une parcelle de gazon. Elle semblait le toiser, le narguer et même le défier. C'est pourquoi, le vieillard se pencha d'un seul trait, tel un faucon saisissant sa proie et arracha la fleur dont il tomba amoureux, en se disant :
" Ah ! Te voilà, toi. À nous deux, maintenant. Tu es mienne, rien qu'à moi, tout seul ! Quelle couleur ! Quelles senteurs ! Pourquoi ne pas tomber amoureux de cette splendeur sublime ? Mon Dieu, toi le créateur, tu aimes la beauté. Et moi, donc ?"
Abdelmalek Aghzaf FÈS, le 27/04/2014.
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